jeudi 21 octobre 2010

Le Bal (d'Irène Némirovsky)

Bonjour à celles et ceux qui aiment danser
Bonjour aux zotres

Après avoir lu Le Bal il y a une dizaine d'années déjà, j'ai su avec certitude que je n'en avais pas fini avec l'oeuvre d'Irène Némirovsky dont j'ai lu depuis 2 autres nouvelles (Ida et La comédie bourgeoise) qui m'ont énormément plu aussi.

4e de couverture

Récemment passés de la gêne à l'opulence, M. et Mme Kampf décident de donner un bal. Leur fille Antoinette, qui vient d'avoir quatorze ans, rêverait d'y assister. Mais Madame Kampf, peu soucieuse de présenter à ses admirateurs une fille déjà si grande, oppose un refus formel. Antoinette ne préméditera pas sa vengeance : elle l'accomplira d'un geste, dans un état second... Elle sera terrible.

Mon avis

Le Bal est une oeuvre brève mais la légèreté du format n'enlève rien à la densité de l'oeuvre où la tension affleure à chaque page. J'ai retrouvé chez Irène Némirovsky certaines qualités que j'apprécie énormément chez d'autres auteurs : la puissance analytique de Zweig, le souci des détails insignifiants de Pym, la justesse des portraits de femmes de Wharton, l'analyse bourgeoise de Zola (version Pot Bouille) ou de certaines pages des Boucanières de Wharton (mon préféré de cette auteure), la férocité distante de Malaparte (même si le sujet est nettement plus léger que les oeuvres de guerre de ce dernier), etc.

En peu de pages fort bien écrites, l'auteure évoque une multitude de thèmes et réussit la prouesse de ne jamais tomber dans la superficialité sans doute parce qu'elle a eu l'intelligence de choisir le support d'un événement, en l'occurence un bal, pour les aborder. Aussi, qu'elle parle des relations mères-filles et de la rivalité agressive de l'une envers l'autre liée à l'âge, de la cruauté de l'enfance, de l'impatience de l'adolescence, de la vulgarité des parvenus, elle touche juste à chaque fois et l'on se régale à la lecture de ce récit mêlant espoir et bassesse, rêve et désillusion.

Extraits

Trouvé chez
Antigone
"Un bal... Mon dieu, mon dieu, ce serait possible qu'il y eût là, à deux pas d'elle, cette chose splendide qu'elle se représentait vaguement comme un mélange confus de folle musique, de parfums enivrants, de toilettes éclatantes...de paroles amoureuses chuchotées dans un boudoir écarté, obscur et frais comme une alcôve...et qu'elle fût couchée ce soir-là, comme tous les soirs, à neuf heures comme un bébé... Peut-être des hommes qui savaient que les Kampf avaient une fille demanderaient-ils où elle était ; et sa mère répondrait avec son petit rire détestable : "Oh, mais elle dort depuis longtemps, voyons..." Et pourtant qu'est-ce que ça pouvait lui faire qu'Antoinette, elle aussi, eût sa part de bonheur sur cette terre ?... Oh ! mon Dieu, danser une fois, une seule fois, avec une jolie robe, comme une vraie jeune fille, serrée dans des bras d'homme... Elle répéta avec une sorte de hardiesse désespérée en fermant les yeux, comme si elle appuyait sur sa poitrine un revolver chargé :
- Seulement un petit quart d'heure, dis, maman ?"

Trouvé chez
Choco
Mme Kampf éclata subitement :- Ca, par exemple, ça, c'est magnifique, cria-t-elle d'une voix enrouée de colère : cette gamine, cette morveuse, venir au bal, voyez-vous ça !... Attends un peu, je te ferai passer toutes ces idées de grandeur, ma fille... Ah ! Tu crois que tu entreras 'dans le monde' l'année prochaine ? Qu'est-ce qui t'a mis ces idées-là dans la tête ? Apprends, ma petite, que je commence seulement à vivre, moi, tu entends, moi, et que je n'ai pas l'intention de m'embarrasser de sitôt d'une fille à marier... Je ne sais pas ce qui me retient de t'allonger les oreilles pour te changer les idées, continua-t-elle sur le même ton, en faisant un mouvement vers Antoinette.

Conclusion

Un court roman qui constitue une très bonne introduction à l'oeuvre de Némirovsky et qui m'a donné envie de découvrir d'autres textes de cette auteure.

3 commentaires:

Aifelle a dit…

C'est le premier texte que j'ai lu d'elle et j'ai bien sûr continué ..

In Cold Blog a dit…

Tu as raison : Le bal est une excellente introduction à l'œuvre de Némirovsky.
Quand on sait qu'elle s'est inspirée de sa mère et des relations qu'elle entretenait avec elle, ça fait peur !
(et dire que tu aurais pu lire David Golder ce mois-ci !)

liliba a dit…

Ce livre est une petite merveille !